50 propositions pour rétablir la confiance des français dans la vie démocratique

Dans le cadre de sa mission sur l'avenir de la participation citoyenne et de la démocratie délibérative en France, Patrick Bernasconi, ancien Président du Conseil économique, social et environnemental (CESE), a remis son rapport comprenant « 50 propositions pour un tournant délibératif de la démocratie française ». Ce rapport propose des mécanismes pour accompagner et structurer la démocratie délibérative. 

Améliorer les dispositifs existants

Par la modification de la Constitution et le code général des collectivités territoriales, le rapport propose de faciliter et encadrer le droit de pétition, la soumission d’un référendum ou encore la création par une collectivité de convention citoyenne. Il propose également de formaliser un cadre juridique applicable aux budgets participatifs, tout en demandant la mise en place d’une évaluation plus régulière et plus systématique des instances locales de participation citoyenne, centrée sur leur efficacité, leur effectivité et leurs éventuels biais sociologiques. Il insiste également sur l’information du public afin de permettre sa participation sur les différentes phases de participation environnementale et même dès le stade de l’intention du projet. Il propose également d’étendre la participation au sujet de la santé et plus largement à la démocratie sociale en mobilisant les employeurs et les salariés.

Structurer la participation citoyenne 

Le rapport recommande de donner plus de poids au référendum d’initiative partagée (RIP) en abaissant son seuil à un dixième de parlementaires et un million d’électeurs et en donnant un droit d’initiative équivalent aux parlementaires et aux citoyens. De manière plus large, il souhaite que les acteurs publics de la participation citoyenne soient renforcés dans leur mission notamment en transformant la CNDP en Haute autorité de la participation citoyenne, en étoffant le Centre interministériel de la participation citoyenne (CIPC) ou en créant un groupe de travail dédié à l’innovation démocratique. Cela passe aussi par Ia formation à la participation citoyenne des fonctionnaires, des élus locaux, mais également à l’école en organisant des simulations d’exercices délibératifs à destination des jeunes.

Il propose également d’inscrire dans la loi le principe de participation dans la décision publique, de définir les droits et devoirs des participants et des encadrants de démarche participative, ou encore de créer un « Fonds de la participation citoyenne »

Le « cycle délibératif national » 

Le rapport propose de permettre à l’exécutif et au parlement de mettre en place un « cycle délibératif national » sur des questions relatives aux grandes transitions et plus généralement aux questions de société ou de politique économique, sociale ou environnementale. Le CESE et une convention citoyenne ad hoc pourraient intervenir pour régler d’éventuels dilemmes et controverses résultant de ce grand débat public. Un suivi serait mené afin de s’assurer de la réalité des mesures qui en découleraient. Le rapport recommande de modifier en conséquence les trois chambres : transformer le CESE pour lui permettre d’accueillir la phase délibérative du cycle délibératif national et d’être le carrefour des consultations publiques, créer une délégation parlementaire à la participation citoyenne au Sénat et à l’Assemblée nationale, etc. 

Les cinquante mesures

Améliorer et optimiser les dispositifs existants 

Renforcer et simplifier la participation locale

Intégrer un article L. 1112-25 nouveau au code général des collectivités territoriales portant sur le droit de pétition, qui permettrait à un dixième des électeurs de demander à ce que soit inscrite à l'ordre du jour de l'assemblée délibérante de la collectivité l’examen d’une pétition (dans la limite d’une signature de pétition par électeur par an pour une même collectivité territoriale).

Étudier l’opportunité d’une révision de l’article 72-1 de la Constitution permettant aux habitants de chaque collectivité territoriale, par l'exercice du droit de pétition, d’obtenir l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée délibérante de cette collectivité d'une question relevant de sa compétence.

Intégrer un article L. 1112-24 nouveau au code général des collectivités territoriales portant sur les conventions citoyennes locales, qui pourraient prendre la rédaction suivante :

« L’assemblée délibérante d’une collectivité territoriale, de sa propre initiative ou à celle d’un dixième des électeurs, peut réunir une convention de citoyens tirés au sort, dans des conditions fixées par décret, sur toute affaire relevant de la décision de cette assemblée.

Le ou les organisateurs d'une demande de consultation dans une collectivité territoriale autre que la commune sont tenus de communiquer à l'organe exécutif de cette collectivité une copie des listes électorales des communes où sont inscrits les auteurs de la demande.

L’examen des travaux de la convention ainsi réunie est inscrit au plus prochain ordre du jour de l’assemblée délibérante à compter de leur remise à l’exécutif de la collectivité. Les suites motivées qu’elle entend donner à ces travaux ainsi que leur synthèse sont rendues publiques par l’assemblée délibérante dans un délai de 4 mois à compter de son examen des travaux de la convention. »

Rédiger comme suit l’article LO. 1112-2 du code général des collectivités territoriales :

« L'exécutif d'une collectivité territoriale, ou un cinquième des électeurs de la collectivité, peut proposer à l'assemblée délibérante de cette collectivité de soumettre à référendum local tout projet d'acte relevant des attributions de cette assemblée, à l'exception des projets d'acte individuel. »

Prévoir une évaluation plus régulière et plus systématique des instances locales de participation citoyenne, centrée sur leur efficacité, leur effectivité et leurs éventuels biais sociologiques.

Consacrer un droit à la participation des citoyens aux affaires de l’ensemble des collectivités et non plus des seules communes, en insérant dans le code général des collectivités territoriales (CGCT) un article qui pourrait prendre la rédaction suivante :

« Le droit des habitants d’une collectivité territoriale à être informés des affaires de la collectivité et à être consultés sur les décisions qui les concernent, indissociable de la libre administration des collectivités territoriales, est un principe essentiel de la démocratie locale. Il s'exerce sans préjudice des dispositions en vigueur relatives notamment à la publicité des actes des autorités territoriales ainsi qu'à la liberté d'accès aux documents administratifs. »

Consacrer un principe général d’association du public aux décisions des collectivités et de leurs groupements de plus de 10 000 habitants présentant de forts enjeux socio-économiques ou ayant des impacts significatifs sur la vie des habitants ou le fonctionnement des services publics, en insérant dans le code général des collectivités territoriales (CGCT) un nouvel article qui pourrait prendre la rédaction suivante : « En dehors des cas régis par des dispositions législatives ou réglementaires, dès lors qu'elles présentent de forts enjeux socio-économiques ou ont des impacts significatifs sur la vie des habitants ou le fonctionnement des services publics dont ils ont la charge, les collectivités territoriales et leurs groupements de plus de 10 000 habitants associent le public à la conception ou à l'élaboration des projets de décisions qu’ils envisagent sous la forme d’un débat pluraliste et informé, dans le respect des principes fixés à l'article L. 131-1 du code des relations entre le public et l'administration.»

Formaliser un cadre juridique applicable aux budgets participatifs en conservant la souplesse du dispositif.

 

Fluidifier les procédures de participation en matière d’environnement

Permettre l’engagement de la participation du public dès le stade de l’intention du projet sur la base d’un document de cadrage élaboré par le maître d’ouvrage.

Instaurer un continuum de la participation en matière environnementale animé par un garant unique, placé sous l’égide de la future Haute autorité de la participation publique.

Créer un portail numérique unique dédié aux procédures de participation en matière d’environnement avec un accès libre aux documents relatifs à chaque projet.

Améliorer l’information du public sur les différentes phases de participation environnementale en lien avec les acteurs du territoire concerné.

Étendre le continuum de participation environnementale, en adaptant ses modalités, à tous les projets soumis à évaluation environnementale.

 

Structurer et approfondir la démocratie en santé

Structurer la politique de démocratie sanitaire, au niveau national et déconcentré, en clarifiant ses objectifs, ses moyens et sa gouvernance, et en développant ses liens avec les autres acteurs de la participation citoyenne.

Lancer une réflexion sur la consécration d’un véritable droit à la participation en matière de santé.

 

Élargir la démocratie sociale aux nouvelles formes de participation

Inscrire dans le Code du travail la faculté de définir par accord collectif des modalités d’association directe des salariés à la définition de l’agenda social ainsi qu’à la phase amont de la négociation collective, via par exemple des consultations ou concertations internes respectant les règles procédurales d’une bonne délibération.

Mettre en place un plan d’action public auprès des employeurs et des représentants du personnel de promotion et d’accompagnement à la mise en œuvre du droit de participation des salariés, afin de généraliser dans les entreprises des espaces l’expression des salariés sur l’organisation collective travail, à l’aide notamment d’outils numériques favorisant cette expression.

 

Structurer un champ autonome de la participation citoyenne sur le modèle de la démocratie sociale

Ouvrir et rendre effective la procédure de référendum d’initiative partagée

Abaisser les seuils du référendum d’initiative partagée (RIP) à un dixième de parlementaires et un million d’électeurs.

Permettre une véritable initiative citoyenne en donnant, dans le cadre du RIP, un droit d’initiative équivalent aux parlementaires et aux citoyens.

 

Insérer le principe de participation dans la décision publique

Rédiger l’article L. 131-1 du CRPA comme suit : « Lorsque l'administration décide, en dehors des cas régis par des dispositions législatives ou réglementaires, d'associer le public à la conception d'une réforme ou à l'élaboration d'un projet ou d'un acte, elle rend publiques les modalités de cette procédure, prévoit que la définition du périmètre du public associé assure une représentativité appropriée à l'objet de la consultation ou de la participation, met à disposition des personnes concernées les informations utiles, leur assure un délai raisonnable pour y participer et veille à ce que les modalités de l’association du public présentent des garanties de sincérité, d'égalité, de transparence et d'impartialité. Elle s’assure que les résultats ou les suites envisagées, qui sont motivés, soient, au moment approprié, rendus publics. »

Insérer dans le code des relations entre le public et l’administration un article ainsi rédigé :

«Tout plan ou tout projet de loi de programmation à caractère économique, social ou environnemental envisagé par le Gouvernement fait l'objet d'une association du public à son élaboration, selon des modalités qu’il détermine, dans le respect des principes énoncés à l’article L. 131-1 de ce code. / Le présent article n'est pas applicable en cas d'urgence. »

 

Bâtir les nouveaux acteurs de la participation citoyenne

Transformer la CNDP en Haute autorité de la participation citoyenne ayant vocation à consolider méthodologiquement et à garantir de façon indépendante la qualité des exercices de participation, en plus de ses missions historiques prévues par le code de l’environnement.

Composer le collège de la future Haute autorité de la participation citoyenne en y intégrant des représentants du Parlement, du CESE, des associations d’élus des collectivités territoriales, des représentants du secteur de l’ingénierie démocratique, des chercheurs et des personnalités qualifiées spécialistes de la participation.

Étoffer les moyens, les effectifs et les missions du Centre interministériel de la participation citoyenne (CIPC).

Conserver un portefeuille ministériel dédié à la participation citoyenne ayant autorité sur le CIPC.

Faire du CIPC le guichet unique d’appui et de conseil à la participation citoyenne au sein des administrations centrales et déconcentrées de l’État et définir ses missions par circulaire. Étendre l’offre de conseil et d’accompagnement du CIPC aux services déconcentrés et y déployer un réseau de référents participation citoyenne. Créer un conseil scientifique ou un groupe d’experts associé au CIPC.

Créer un groupe de travail dédié à l’innovation démocratique, composé de membres de l’HAPC, du CIPC et du CESE.

 

Construire un corpus d’engagements de parties prenantes de la délibération

Bâtir avec les parties prenantes et des citoyens un corpus des droits et devoirs du citoyen tiré au sort pour participer à une procédure participative ou délibérative prévue par la loi ayant pour objet l’association du public. Ce corpus pourrait intégrer, d’une part, un droit à indemnités, un droit à formation préalable, un droit à absence s’imposant à l’employeur, un droit à une protection similaire à celle figurant à l’article L. 1132-3-1 du Code du travail, un droit à une validation des acquis de l’expérience issue de l’exercice participatif ; d’autre part, des engagements de discrétion, d’assiduité, de courtoisie, de probité et d’intégrité.

Créer un « Fonds de la participation citoyenne » géré par la Caisse des dépôts pour aider les petites collectivités et les services déconcentrés de l’État à couvrir les coûts afférents aux démarches participatives.

Lancer une réflexion sur un statut des garants formalisant les principes déontologiques qui leur sont applicables dans l’exercice de leur fonction, à résumer au sein d’une formule de serment.

Lancer une réflexion partenariale afin de formaliser un socle d’engagements du commanditaire d’un exercice participatif : fixation d’un mandat clair, respect des principes d’une bonne délibération, reddition de comptes...

 

Soutenir le développement d’un écosystème souverain d’ingénierie démocratique

Structurer et massifier la filière française de l’ingénierie démocratique.

Flécher des crédits du programme d’investissements d’avenir pour le financement de l’innovation démocratique.

Créer un « campus de la démocratie » sur le modèle du « PariSanté campus » inauguré le 14 décembre 2021.

 

Éduquer et former les fonctionnaires, les élus et les citoyens à la participation

Inclure un module relatif à la participation citoyenne dans le cursus des écoles de service public.

Construire avec les associations d’élus un cycle de formation sur la participation citoyenne locale à destination des élus locaux.

Développer l’enseignement de la délibération à l’école et créer un partenariat entre l’Éducation nationale et les collectivités pour organiser des simulations d’exercices délibératifs à destination des jeunes.

 

Assurer une meilleure représentativité des exercices participatifs

Enrichir les redressements socio-économiques opérés pour la sélection des jurys citoyens de critères supplémentaires.

 

Mettre en place un véritable « cycle délibératif national » 

Le « cycle délibératif national »

Ouvrir la possibilité aux pouvoirs publics de déclencher un « cycle délibératif national » sur des questions relatives aux grandes transitions et tout sujet relatif aux questions de société ou à la politique économique, sociale ou environnementale de la Nation.

Donner un droit d’initiative à l’exécutif et au Parlement.

Organiser en première phase du cycle délibératif un grand débat public selon des standards qualité définis par la HAPC.

Dans un second temps, faire examiner les dilemmes et les controverses résultant du grand débat public par deux assemblées, l’assemblée ordinaire du CESE et une convention citoyenne ad hoc.

Mettre en place un véritable processus de reddition de comptes par le commanditaire du cycle participatif, à la fois dans la justification des mesures retenues et dans l’évaluation de celles-ci.

 

Les changements institutionnels proposés

Transformer le CESE pour lui permettre d’accueillir la phase délibérative du cycle délibératif national et d’être le carrefour des consultations publiques prévues par la loi.

Créer respectivement au Sénat et à l’Assemblée nationale une délégation parlementaire à la participation citoyenne.

Permettre aux groupes politiques d’organiser un exercice participatif pour élaborer une proposition de loi.

Mettre à profit des temps de procédure parlementaire pour recourir à des consultations citoyennes organisées par le Parlement.

Ouvrir la faculté aux parlementaires de porter des amendements issus d’exercices participatifs organisés par l’assemblée concernée.

Faire de la délégation parlementaire à la participation citoyenne le guichet unique des pétitions adressées à l’assemblée concernée.

Donner à la délégation parlementaire à la participation citoyenne la mission de mieux intégrer les citoyens à la procédure budgétaire.

 

Source : https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/283948.pdf